Courrier au Collège – Ce n’est pas cela la politique. 23/09/2020

Courrier au Collège – Ce n’est pas cela la politique. 23/09/2020

Suite au Conseil communal du lundi 21 septembre 2020

  • lors duquel plus d’une centaine de personnes sont venues faire entendre leurs voix et se sont vues, pour la plupart, refuser l’accès à la salle;
  • lors duquel le Collège a failli à son rôle de représentant de la population en fermant d’emblée tout dialogue avec les citoyens présents;
  • lors duquel notre conseiller Martial Mullenders s’est (à nouveau) fait attaquer personnellement sur base de déclarations erronées (écoutez ici, la réponse de l’échevin de l’urbanisme X. Malmendier à M. Mullenders dans le cadre du Chemin de Richelle)
  • lors duquel plusieurs questions posées par les citoyens et l’opposition sont (à nouveau) restées sans réponses;
  • lors duquel les citoyens, mais aussi nos voisins de Eijsden et Maastricht, ont été ignorés et se sont sentis méprisés par le Collège (lire ici l’article concernant la manière dont le Collège a « accueilli » les questions citoyennes ainsi que le communiqué de la coordination des groupements belgo-néerlandais qui s’opposent à ce projet);
  • hors duquel nombreux sont ceux qui sont repartis avec un sentiment d’injustice et de dégoût,
Enregistrement de la réponse de l’échevin de l’urbanisme, X. Malmendier à l’interpellation citoyenne concernant la centrale biomasse de Lixhe (0:00-10:30).
Enregistrement de l’interpellation citoyenne concernant les nuisances sonores dues à l’augmentation du trafic aérien au-dessus de Visé et de la réponse de l’échevin du commerce E. Colak (10:30-fin).

Bref, suite à ce Conseil désastreux, notre conseillère communale Caroline Van Linthout a adressé un courriel aux membres du Collège et du Conseil. Le voici, ci-dessous.


Courriel à l’attention de la Bourgmestre, des échevin(e)s et des membres du Conseil communal.

Mercredi 23 septembre 2020.

Bonjour à tous,

J’ai pris le temps de réfléchir aux mots que je voulais mettre sur ce qui m’occupe l’esprit depuis le Conseil communal de lundi. J’aurais pu garder cela pour moi, mais ne rien dire équivaudrait à accepter ce qui s’est passé et prendre donc, par défaut, une position qui n’est pas la mienne.

Je suis sidérée et déçue de voir la manière dont le Collège a accueilli les citoyens lundi soir. Le manque de respect, que j’ai perçu comme du mépris, et la position défensive difficile à comprendre de la part de représentants politiques, spécialement au niveau communal, se sont traduits dans votre refus de dialoguer avec les citoyens et votre façon de vous adresser à certains membres du Conseil.

Lundi, une centaine de citoyens, qui ont voté ou non pour vous, mais que vous représentez, que nous représentons tous, sont venus faire entendre leur voix. Il y avait des personnes de tous âges, des familles avec enfants, et vous ne les avez pas laissés rentrer, laissant à la “sécurité” le soin d’expliquer et d’appliquer votre choix. Bel exemple d’ouverture d’esprit et de prise de responsabilité. Le Covid 19 a d’ailleurs bon dos. La Salle des Tréteaux a une capacité de 300 places assises et 600 places debout. Comment avez-vous pu sérieusement, et sachant qu’il y avait une forte mobilisation et 3 interpellations citoyennes, prévoir seulement 16 places pour le public et 25 places pour le Conseil? Il était possible d’accueillir plus de personnes, debout, en format “cabaret” (comme pour les spectacles), en positionnant les tables des conseillers différemment pour installer plus de chaises… pourquoi ne pas l’avoir fait ? 

Ajoutez à cela le fait que vous n’avez pas daigné saluer ces personnes, les rencontrer, vous expliquer vous-mêmes sur le fait que vous ne pouviez (peut-être) pas accueillir tout le monde dans la salle, simplement permettre un dialogue « hors procédure ». Vous auriez fait preuve du minimum de respect et de politesse auquel on peut s’attendre de la part d’“élus politiques”.

Vu l’introduction formelle et rigide qui a précédé les interpellations, il ne plane aucun doute sur le fait que le Collège était d’emblée sur la défensive. Or vous devriez vous réjouir du fait que des citoyens se mobilisent pour des causes qui leurs sont chères et défendent l’intérêt général/communal. Vous devriez encourager plus de citoyens à le faire afin de rendre la politique accessible à tous et d’assurer un fonctionnement démocratique de notre commune. Nous, conseillers, et vous, échevins et bourgmestre, nous ne sommes que des représentants des personnes qui nous (qui vous) ont fait confiance. On n’est rien de plus. Nous sommes à leur service.

Ce qui s’est passé lundi soir n’était pas juste. Peu importe si c’était légal, cela n’était pas juste de ne pas permettre à un maximum de monde de participer à la séance du Conseil. Cela n’était pas juste de ne pas accorder quelques minutes de parole à un citoyen parce qu’il n’a pas respecté la procédure d’interpellation et qu’il n‘est pas visétois, surtout quand un email lui accordant ce droit lui a été envoyé le jour-même. Ce n’est pas juste de demander aux citoyens de connaître et appliquer les procédures quand nulle part on ne met à leur disposition les informations concernant les modalités de ces procédures. Ce n’est pas moralement juste d’imposer le silence à une personne sous prétexte de règlement. En quoi était-ce un problème d’entendre ce que ce monsieur avait à dire ? Pourquoi ne pas prévoir dans le règlement d’ordre intérieur la possibilité pour le public de poser des questions même sans interpellation “en bonne et due forme”. Certaines communes le font, pourquoi pas Visé ? Et ce n’est définitivement pas juste de faire des déclarations erronées voire insultantes à l’encontre de membres du Conseil pour que ces déclarations soient reprises et acceptées comme vérités au fil du temps. “Fin” stratagème dont font usage beaucoup de politiciens de tous pays et de tous bords et qui ne vise qu’à diviser les personnes. Ce n’est pas cela la politique.

Je vais prendre ici les mots de mon auteur préféré, qui dit qu’au final, tout ce que nous avons, ce sont les mots. Et c’est vrai. Tout est une question de mots. Alors choisissons-les bien.

Et si je comprends comment fonctionne ce “jeu de rôles” qu’est le Conseil, je ne m’habitue pas à la “rhétorique politique” que la plupart des conseillers et échevins maîtrisent et dont la plupart font usage lors des séances du Conseil. Et je ne veux pas m’y habituer. Je trouve ce “langage” détestable et déplacé, surtout quand des citoyens prennent la peine de se présenter devant le Collège pour essayer de se faire entendre autrement que via un bulletin de vote dans l’urne. Adopter ce “langage politique”, c’est marquer intentionnellement une rupture entre les paroles que l’on prononce publiquement et la réalité de nos intentions et valeurs avec toujours en toile de fond l’objectif d’obtenir des voix aux prochaines élections. C’est accepter une rupture entre ceux qui sont dans la Salle du Conseil et ceux qui sont dehors. Mais ce n’est pas cela la politique.

User de rhétorique pour servir des réponses vides de sens qui n’engagent aucune responsabilité me paraît irrespectueux. Se cacher derrière des procédures, considérations techniques ou autres avis venant “de plus haut” pour éviter de répondre clairement à une question clairement énoncée est irrespectueux et, à mon sens, lâche voire malhonnête. Le choix est pourtant simple. Il s’agit d’un choix de valeurs (humain vs. économique), pas de tenir un discours creux teinté de rhétorique politique pour tenter de satisfaire tout le monde, sans devoir affirmer ses valeurs, en attendant que quelqu’un d’autre prenne la décision à notre place.

Alors on peut parler d’“incident regrettable” ou de “mauvaise compréhension du droit communal” et de “procédure”, mais on peut aussi parler d’injustice et se dire qu’il est temps de changer nos pratiques. Il serait peut-être bon, quand il s’agit de l’avenir de nos enfants, qu’ils habitent Visé, Eijsden ou Maastricht ou plus largement la Basse-Meuse, ou encore plus largement notre monde, de faire preuve d’ouverture d’esprit et de plus de respect en utilisant, systématiquement, un langage commun et transparent. Ce n’est pas parce que nous sommes conseillers, échevins ou bourgmestre, directeur général ou présidente du conseil, que nous valons plus. Notre rôle, c’est d’être des porte-voix, pas de faire taire les voix qui viennent remettre en question nos valeurs ou nos choix.

Si même au niveau communal, on ne donne pas plus aux citoyens les moyens de prendre part aux décisions et si même au niveau communal, on ne fait pas preuve de plus de respect et d’ouverture d’esprit envers les citoyens et envers les membres des autres groupes politiques, alors je ne sais pas à quoi on sert.

Merci d’avoir pris le temps de me lire et je vous souhaite une bonne journée,

Caroline Van Linthout  
Conseillère communale pour Visons Demain